Adoptée en deuxième lecture par le Sénat dans la nuit du 8 au 9 avril 2004 la LEN ou LCEN, projet de Loi pour la Confiance dans l'Économie Numérique ne fait pas encore l'unanimité. L'une des principales revendications de ses opposants, c'est-à-dire l'obligation de surveillance des contenus hébergés par les professionnels de l'Internet semble pourtant satisfaite. Tentatives de décryptage d'une loi qui fixe pour la première fois les fondements d'un droit spécifique lié notamment à Internet.
Photo : Sénat
L'application d'une directive européenne sur le commerce électronique datant de 2000 est à l'origine du projet de Loi pour la Confiance dans l'Économie Numérique. À cette occasion, le législateur français a souhaité fixer plus largement un cadre « fondateur du droit de l'Internet ». Le Sénat ayant entériné une cinquantaine d'amendements, le texte doit maintenant être examiné par une commission paritaire mixte.Le projet détermine d'abord un champ d'application, celui de « la communication au public par voie électronique ». Cette définition, destinée à remplacer dans de nombreux textes existants les termes de « communication audiovisuelle » distingue donc plus précisément et l'une et l'autre.
La bataille législative
Concernant la version de la LEN, votée en seconde lecture par l'Assemblée Nationale en janvier 2004, un large consensus s'était opposé à certaines dispositions. Monde associatif, professionnels de l'Internet et défenseurs des libertés individuelles, tous s'insurgeaient contre l'obligation faite aux prestataires-hébergeurs de surveiller les contenus des pages hébergées sur leurs serveurs. Une tâche colossale et impossible à appliquer, tant du point de vue technique que de celui des moyens humains qui auraient dû être mis en œuvre. La seule issue aurait été de fermer toutes les pages personnelles, espaces de libre expression pour le grand public et de communication pour les petites entreprises. Malgré l'intention, louable, de lutter contre la cybercriminalité, la pédophilie et le racisme, cette obligation n'était d'ailleurs pas défendable au regard de la législation Européenne. Son retrait au Sénat n'est donc pas surprenant. La responsabilité des hébergeurs s'applique dans le cadre de l'obligation de retrait, de suppression et de collaboration avec les instances légales en cas de notification d'un contenu illicite. C'est ce terme qui dérange encore. Certains auraient préféré celui d'illégal, jugé juridiquement plus clair et sans ambiguïté morale.
Opérateurs télécoms publics
Utile et destiné à lutter contre la fracture numérique, l'article qui permet désormais aux collectivités de fournir directement à leurs administrés des services de télécommunications en cas de carences des opérateurs privés a été adopté sans aucun amendement.
Email et correspondance privée
Si le texte adopte le terme de « communication au public par voie électronique », il introduit aussi des nuances. En particulier celle de communication au public en ligne qui est une transmission de données sans caractère privé. Et celle de courrier électronique sans donner de précision sur son caractère privé. Pour les opposants à la LEN c'est une brèche ouverte qui pourrait avoir des conséquences liberticides. Pour le législateur, cette absence de précision ne remet pas en cause le caractère privé de la correspondance, quel que soit le support, email ou courrier électronique inclus. Par contre, cela permet de faire la distinction entre un mail à caractère privé et non privé. Le débat restera ouvert jusqu'aux premières jurisprudences.
Publicité, marketing et e-commerce
Vu sous un angle positif, celui de la confiance dans l'économie numérique, le bon côté de la loi est de fixer des règles, lisibles pour le grand public dans le domaine du commerce électronique. Divers articles renforcent notamment le dispositif de lutte contre le Spam ou courrier électronique non sollicité. En cela, il donne un cadre plus clair à l'e-marketing direct et à l'utilisation des bases de données existantes. Identification du vendeur, mode de cryptage des données bancaires et personnelles, la loi renforce aussi la protection du consommateur qui achète en ligne. Il impose notamment d'identifier clairement les contenus à caractère promotionnels ou publicitaires.
En savoir plus
Si le débat vous intéresse, nous vous invitons à poursuivre vos recherches à la fois sur les sites institutionnels et sur ceux des associations qui se sont opposées à de nombreuses dispositions du projet de loi.
Directive européenne du 8 juin 2000 sur le commerce électronique
Le projet de loi adopté en 2e lecture à l'Assemblée en janvier 2004
Le compte rendu analytique officiel de la séance du 8 avril au Sénat
La "petite loi " adoptée par le Sénat le 8 avril 2004
La LEN sur le site de la ligue Odebi qui reste réservée quant au projet de loi
Nathalie Métayer ubacto - Publié le : 11-Avr-2004